En Belgique plus qu’ailleurs, lorsqu’1 € est investi par l’employeur dans la rémunération du travail fourni par son employé, ce n’est pas 1 € qui va dans la poche de ce dernier… Cette vérité confondante nous rappelle que le paiement de la rémunération est l’occasion, pour l’Etat, de percevoir des cotisations de sécurité sociales (ONSS) de la part du travailleur et de l’employeur, mais aussi un impôt (des personnes physiques) de la part du travailleur. Le tout perçu en amont par l’employeur (il ne faut pas que le travailleur aille tout dépenser au café du coin…), lequel va :
- d’une part verser les deux quotes-parts de cotisations de sécurité sociale (la sienne et celle du travailleur) à l’ONSS,
- d’autre part verser le précompte professionnel, c’est-à-dire l’impôt des personnes physiques du travailleur, au SPF Finances.
Dans ce sens-là, le principe est archi-connu.
Mais que se passe-t-il lorsque le travailleur doit rembourser à l’employeur un excédent de rémunération, ou un trop-plein d’indemnité compensatoire de préavis en cas de licenciement, parce que l’employeur se serait par hypothèse trompé en lui versant plus qu’il ne faut ? La question mérite d’être posée car le travailleur ne peut se contenter de bénéficier de l’erreur, les principes de droit civil le contraignant à rembourser ce qu’il ne mérite pas afin d’éviter un enrichissement sans cause dans son chef.
En l’occurrence, le travailleur peut-il se contenter de rembourser le net reçu, sans se préoccuper des retenues sociales et fiscales ? Ou est-il question du coût total de l’employeur (salaire brut + les cotisations de sécurité sociale quote-part employeur) ? Ou le remboursement porte-t-il uniquement sur le brut (à l’exclusion des cotisations de sécurité sociale quote-part employeur) ? Ou bien s’agit-il du montant imposable (à l’exclusion des cotisations de sécurité sociale quote-part employeur et quote-part travailleur) ?
Dans un passé récent, la Cour de cassation (arrêt du 16 septembre 2019, n°S.17.0079.F et S.18.0042.F) est venue apporter des réponses claires qui rejoignent d’ailleurs celles qui étaient préconisées par la doctrine.
Les lignes directrices de l’enseignement de la Haute Cour sont les suivantes :
- Le travailleur n’ayant perçu personnellement aucune cotisation de sécurité sociale et n’ayant par ailleurs aucun droit à récupérer lui-même auprès de l’ONSS les cotisations indues lui ayant été versées, il ne doit donc pas rembourser à l’employeur lesdites cotisations, à charge pour ce dernier de récupérer de son côté le montant des cotisations de sécurité sociale indues auprès de l’Office.
- En ce qui concerne l’impôt des personnes physiques, le précompte professionnel n’étant qu’une avance sur ledit impôt qui est établi ultérieurement à charge du travailleur, ce dernier dispose d’un droit de récupérer auprès du Fisc tout précompte qui aurait été versé sur une rémunération ou une indemnité compensatoire de préavis excessive. En conséquence, il doit donc rembourser à l’employeur un total qui s’étend au montant du précompte professionnel à charge du travailleur. Ce qui revient à dire que le travailleur doit rembourser, non pas le net, mais le montant imposable attribué en trop, à charge pour lui de récupérer tout surplus indu auprès de l’administration fiscale. De son côté, l’employeur doit rectifier la déclaration de revenus au SPF ou introduire, le cas échéant, une attestation n°281.25.
En résumé, les cotisations ONSS ne sont pas à rembourser, mais bien le précompte professionnel.
Ce disant, la Cour de cassation est cohérente et juridiquement en phase avec les principes de droit ; par ailleurs, la solution est pragmatiquement en phase avec les possibilités pour les uns et les autres d’effectuer des démarches auprès de qui de droit en vue de rétablir la situation conforme.
Et si le travailleur ne procède pas au remboursement ? Dans ce cas, un avantage de toute nature imposable lui sera comptabilisé, et l’employeur mentionnera cet avantage sur une fiche fiscale.
La Cour de cassation a donc éclairci ce que doit effectivement rembourser le travailleur: entre le brut et le net, les sommes avec ou sans cotisations sociales, on n'y voyait pas toujours très clair. L'arrêt de la Cour est dès lors utile et vient confirmer ce qu'on présentait déjà au niveau des principes et ce qui était de facto souvent appliqué.
Les conséquences de cet arrêt de la Cour de cassation permettent de répartir les tâches entre le travailleur et l'employeur en ce qui concerne les administrations à contacter, etc.
Même si cet arrêt ne va pas bouleverser la pratique et ne surprend donc pas, il a le mérite de donner un enseignement clair qui va fluidifier les relations entre les employeurs et les travailleurs lorsque survient cette hypothèse: mon employeur a versé une somme trop importante sur mon compte en banque et il faut envisager des démarches pour et des remboursement en vue de régulariser la situation.